Suite de notre journée spéciale avec David Pujadas. Le présentateur du 20 Heures de France 2 revient sur les bons résultats du 20 Heures depuis le lancement de sa nouvelle formule, en septembre dernier. Un journal qu'il présente depuis plus de 13 ans.
Propos recueillis par Benjamin Meffre et Benoît Daragon.
puremedias.com : Quel bilan tirez-vous de la nouvelle formule du 20 Heures, lancée début septembre ?
David Pujadas : Ca marche bien, je ne vais pas bouder mon plaisir ! En termes d'audience, ça progresse. Et en termes de contenu, on a réussi à faire évoluer les choses. Sur le ton notamment avec "L'Oeil du 20 Heures", qui apporte une grosse touche d'impertinence et qui nous vaut beaucoup, beaucoup d'appels ! Ca, ça nous distingue de ce que l'on faisait avant et de ce que font les autres. Il y a aussi un gros effort sur les enquêtes, il n'est pas rare d'en avoir trois ou quatre par édition. C'est un gros investissement mais face à l'abondance d'informations, il est important de se démarquer avec des sujets plus fouillés.
Les audiences sont bonnes. Merci Nagui, soyons honnêtes !
Bien sûr ! La télévision, c'est de la mécanique et l'access ça compte et ça rend modeste (rires) ! L'an dernier, on avait un access difficile. Désormais, il est au niveau de la chaîne et ça nous facilite énormément les choses. Cela dit, on s'est renforcé sur les CSP+ et même les CSP++, grâce à notre positionnement sur l'étranger, l'économie et la politique. Tous les médias parlent de l'Ukraine ou de DAESH quand il y a une crise, mais, nous, on suit ces sujets de façon continue, et on s'intéresse aussi aux pays où il n'y a pas de crise mais qui soulèvent des questions intéressantes.
La ligne éditoriale du 20 Heures de TF1 a également évolué depuis l'arrivée de Gilles Bouleau. La différence entre vos deux journaux est désormais plus ténue ?
C'est un un choix de leur part de se recentrer un peu sur le fond et d'éviter les sujets trop anecdotiques. Mais je trouve ça à côté de la plaque quand on dit que nos deux journaux sont semblables. Chez nous, il est habituel de faire des sujets de fond et on en fait beaucoup plus.
Gilles Bouleau s'est inspiré de votre journal ?
Non je ne pense pas. Je connais Gilles Bouleau, et je sais que ce sont aussi ses centres d'intérêt.
Ne vous êtes-vous pas un peu perdu par le passé avec une deuxième partie de journal très "magazine de société" ? Le CSA l'a d'ailleurs pointé du doigt dans son bilan sur la gestion du groupe...
C'est possible... Il y a toujours un coté magazine à la fin d'un journal, c'est naturel ! On doit changer de ton, d'univers. Dans le contenu, on a musclé un peu cette partie mais on est obligé de parler des modes de vie, d'histoire ou de faire des sujets de découverte.
Les personnels techniques du groupe ont été plusieurs fois en grève ces dernières semaines. Est-ce contraignant pour vous de présenter votre journal dans un petit studio qui ressemble à une "boîte à chaussures" ?
Vous êtes durs ! C'est dommage de ne pas pouvoir profiter des grands écrans qui permettent de diffuser des images et de l'infographie qui aident les téléspectateurs dans leur compréhension de l'info. Mais surtout, dans ces cas-là, le journal est plus difficile à fabriquer : on a moins de monteurs, les reporters sont obligés de poser leur voix sur leurs sujets en direct. C'est pénalisant pour tout le monde...
Etes-vous favorable à titre personnel au projet "Info 2015" qui prévoit la fusion des rédactions de France 2 et France 3 ?
Je ne suis pas un spécialiste mais il me semble qu'il est naturel qu'on essaye de mettre le plus de choses en commun. Qu'il n'y ait qu'un seul "moyen technique" qui assure les directs de France 2 et France 3 au lieu de deux, ça me paraît être du bon sens ! Surtout que nos ressources s'amenuisent. Essayons de faire des économies là où ça pénalise le moins et gardons du budget pour partir en reportage. Mais tout changement génère des crispations, j'espère que cela va s'arranger. C'est le sens de l'histoire.
Certains redoutent une fusion des lignes éditoriales...
La seule condition de cette fusion, c'est justement que les lignes éditoriales des différentes éditions soient respectées. C'est le cas actuellement à France 2. Le 20 Heures de la semaine, les journaux du week end, le 13 Heures, les éditions du matin ont des identités très différentes. Il n'y a pas de raisons pour que ce soit différent quand on travaillera avec France 3 !
En septembre prochain, vous présenterez ce journal depuis 14 ans. Aucune lassitude ?
Deux septennats ! Je n'aurais jamais cru que ça durerait aussi longtemps car, en 2001, je pensais m'installer sur un siège éjectable. Je disais d'ailleurs que je ne resterais pas 15 ans à ce poste ! (rires) J'ai enormément de plaisir à faire ce journal tous les jours. Certains disent qu'il faut avoir la bougeotte pour s'épanouir, mais je suis heureux et ça marche bien. Le jour où je serai lassé, je partirai.
Du fait de cette longévité, vous êtes devenu quasiment institutionnel. Vous avez une image un peu lisse, consensuelle. N'êtes-vous pas en voie de "d'Arvorisation" ?
Ce n'est pas que je le crains, c'est que je le regrette un peu. Mais c'est un peu de mon fait d'avoir cette image sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas un grand spécialiste : je laisse dire et passer peut-être trop de choses. Je ne m'intéresse pas assez à ça et c'est vrai que c'est un peu mon talon d'Achille. Je trouve que je n'ai pas une très bonne image sur la toile. Je ne suis pas très à l'aise dans la communication. J'ai un peu de mal avec le fait que mes moindres faits et gestes soient analysés en détails. Je ne me retrouve pas trop dans le monde de la com' et du buzz.
On se dit que vous n'auriez pas pu présenter "Cash Investigation" et alpaguer des dirigeants ou des hommes politiques...
Je ne sais pas. J'ai plutôt l'image d'être un puncher en interview. J'ai tout de même posé huit fois une question à François Hollande dans "Des paroles et des actes" en 2012 et interrogé à de nombreuses reprises Nicolas Sarkozy sur ses petits arrangements avec la vérité.
Et ces nouveaux "chiens de garde" comme Bruno Roger-Petit ou Bruno Masure, qui sont toujours en train de commenter ce que vous faites, ça vous inspire quoi ?
C'est de ça dont je parle quand j'évoque la société du buzz. Les anciens de France 2, c'est une catégorie un peu à part. Mais d'une manière générale, peut-être que je laisse trop dire. Vous levez votre crayon comme ça (il lève banalement son crayon en l'air, ndlr), on dit : "Eh bah, s'il fait ça, c'est forcément qu'il est en empathie avec untel ou au contraire qu'il n'est pas d'accord avec untel". Et puis après, ça se propage, ça s'installe. Pour autant, je n'ai pas vraiment la réponse parce que je ne suis pas très à l'aise avec ça. Mais je le regrette et j'en souffre un peu.