"Le temps n'a pas la même allure pour tout le monde". La célèbre phrase de Shakespeare semble avoir été écrite pour Mathieu Gallet. Devenu à 37 ans le plus jeune patron de Radio France, cet amateur du dramaturge anglais fête aujourd'hui son premier anniversaire à la tête de la Maison ronde. Une première année de mandat au cours de laquelle Mathieu Gallet aura déjà traversé de nombreuses tempêtes.
Après plusieurs mois d'état de grâce, le jeune dirigeant a ainsi dû faire face à l'une des plus longues grève de l'histoire de Radio France mais aussi à de multiples accusations de gabegie de la part du "Canard Enchaîné". Autant de crises qui ont bien failli lui coûter son siège. Retour sur cet An I très mouvementé de la présidence Gallet.
Tout avait pourtant bien commencé pour le jeune homme à la carrière fulgurante. A 37 printemps, Mathieu Gallet est ainsi nommé à l'unanimité par le CSA à la tête d'une entreprise publique de pas moins de 5.000 salariés. "C'est le choix de l'audace et du dynamisme" s'enthousiasme alors le président du CSA, Olivier Schrameck. "Même un enfant de 7 ans aurait voté pour Mathieu Gallet" renchérit la conseillère Christine Kelly, interrogée quelques semaines plus tard.
Commence alors une véritable lune de miel entre Mathieu Gallet et les médias. Jeune, beau, moderne et ambitieux, le nouveau PDG a tout pour susciter leur curiosité. Cela tombe bien, le patron de la Maison ronde souffre d'un déficit de notoriété auprès du grand public... Les médias qui le rencontrent le décrivent alors comme un séducteur doté d'un puissant réseau mais aussi comme une personnalité pudique et modeste. En novembre 2014, Mathieu Gallet est même sacré "homme de médias le plus sexy" par "Têtu".
Il faut dire que cette bonne image s'appuie sur un début de parcours assez convaincant. Le gestionnaire Gallet sait ainsi s'entourer de professionnels respectés de la radio, favorisant la parité en nommant notamment Laurence Bloch à la tête de France Inter. Les nouvelles grilles des programmes lancées en septembre 2014 enregistrent aussi des premiers résultats d'audience encourageants. Seule l'éviction de Daniel Mermet, l'une des voix historiques de France Inter, suscite quelques remous parmi les auditeurs. "That's life", tranche Mathieu Gallet, sans sourciller.
Cet état de grâce des premiers mois va cependant rapidement laisser la place aux orages. La question budgétaire revient ainsi avec force dès le mois de décembre 2014. L'Etat décide à ce moment-là de baisser la dotation allouée à Radio France. En janvier 2015, un budget en déficit est adopté pour la première fois dans l'histoire de Radio France et il faut au plus vite trouver 21,3 millions d'euros. De quoi largement inquiéter les salariés de la Maison ronde...
C'est alors que tombent les premières révélations du "Canard Enchaîné" qui dénonce à la mi-mars le prix exorbitant de la rénovation du bureau de Mathieu Gallet. S'ensuit un feuilleton de plusieurs semaines dont le PDG sort inévitablement affaibli. Un malheur n'arrivant jamais seul, Mathieu Gallet est aussi aux prises au même moment avec une grève historique des personnels du groupe public. Déjà sous pression, il est alors sommé par sa tutelle de trouver rapidement une solution. Malgré les appels à la démission de certains de ses salariés, le PDG tient bon. "Je ne lâcherai rien !", lance-t-il ainsi aux députés l'auditionnant le 8 avril 2015.
Le 16 du même mois, les salariés mettent finalement fin à leur mouvement après 28 jours de mobilisation. Mathieu Gallet retrouve aussi un peu d'air après la publication, le 20 avril, d'un rapport de l'IGF l'exonérant en partie des accusations du "Canard Enchaîné". Le PDG sauve sa tête.
Il n'empêche que cette affaire a laissé des traces durables au sein de la Maison ronde. Tout au long de cette crise, les qualités attribuées auparavant à Mathieu Gallet se sont transformées en défauts. Sa jeunesse est ainsi devenue synonyme d'inexpérience, sa beauté de légèreté et sa pudeur de froideur. Lorsqu'on interroge les salariés de Radio France sur leur PDG, ils tiennent ainsi des propos à l'image de cette première année de mandat : contrastés.
"Il peut être séducteur avec certains, glacial avec d'autres", analyse un collaborateur du groupe public à puremedias.com. "Il a un sens politique aigu mais n'a pas su se mettre les syndicats dans la poche" tranche un autre. "Il a su s'entourer pour le contenu, il suffit de voir les résultats d'audiences des stations. Moins pour la gestion", estime de son côté un journaliste du groupe public. Avant qu'un autre ne résume : "Il a fait des erreurs de débutant mais a eu la chance de ne pas sauter". Il reste encore quatre ans de mandat au PDG de Radio France pour tenter de transformer une maison réputée... irréformable.